Abstract Mounier-E AFPP 2011

AFPP – QUATRIEME CONFERENCE INTERNATIONALE

SUR LES METHODES ALTERNATIVES EN PROTECTION DES CULTURES

LILLE  8, 9 ET 10 MARS 2011

 

 

TRICHODERMA ATROVIRIDE, UN MOYEN DE LUTTE PROMETTEUR CONTRE LES MALADIES DU BOIS DE LA VIGNE

 

E. MOUNIER, B. BLAL ET E. PAJOT

Agrauxine, ZA de Troyalac’h, 2 rue Louis Lumière, 29170 St Evarzec, France.

 

RESUME

Les maladies du bois de la vigne (MBV) (Eutypiose, Esca et BDA) causent de graves dégâts dans les vignobles. Aucune molécule chimique n’est actuellement homologuée pour lutter contre ces maladies depuis l’interdiction en 2001 des deux substances actives (arsenite de sodium et Carbendazime) utilisées jusqu’alors. Actuellement, une recrudescence des MBV est observée causant un problème auquel les viticulteurs doivent faire face pour optimiser la qualité de leur production et pérenniser leur vignoble. Pour répondre à ce nouveau besoin, Agrauxine a travaillé avec ses partenaires au développement d’une méthode alternative, l’Esquive WP. Ce produit à base de Trichoderma atroviride, est aujourd’hui homologué contre l’Eutypiose. Les essais d’efficacité post-AMM menés en vignoble montrent, en plus d’une diminution significative des symptômes foliaires de l’Eutypiose, des effets intéressants sur l’Esca et le BDA. En effet, après plusieurs années d’expérimentation de l’Esquive WP au vignoble, les premiers résultats d’efficacité significatifs sur l’Esca/BDA se traduisent par une réduction de l’expression des symptômes foliaires pouvant atteindre 90 % par rapport à la modalité témoin. En fonction de différents paramètres d’application, désormais identifiés et décrits dans cette étude, l’efficacité de l’Esquive WP peut varier et des essais supplémentaires sont nécessaires en vu de compléter le futur dossier d’homologation d’Esquive WP contre l’Esca et le BDA.

 

Mots-clés : bio-contrôle, Trichoderma atroviride, antagoniste, maladies du bois de
la vigne (MBV).

 

 

ABSTRACT

Diseases of grapevine wood (DGW) (Eutypiose, Esca and BDA) cause serious losses in vineyards. The banning of two active substances, i.e.sodium arsenite and carbendazim, used to control DGW was made in 2001. Today, an increase in DGW is observed, it causes severe damages and winegrowers try to control them to maintain the quality of products and sustain their wine. To meet theirneed, Agrauxine has developed an alternative method, Esquive WP, based on Trichoderma atroviride. This product registered against eutypiose dieback. Efficacy trials conducted in post-AMM vine point out, a significant decrease in foliar symptoms of Eutypiose dieback, and also significant reduction in Esca and BDA developments. Indeed, after several years of Esquive WP application in the vineyard, the first significant results point out a reduction in foliar symptoms expression of Esca / BDA (up to 90% from the control). Depending on various parameters, identified and described in this study, the effectiveness of the Esquive WP vary. Additional tests are necessary for the Esquive WP-registration dossier to control Esca / BDA.

 

Key words : bio-control, Trichoderma atroviride, antagonist, Diseases of grapevine wood.

 

INTRODUCTION

            Les maladies du bois de la vigne (MBV) (Eutypiose, Esca et BDA) causent de graves dégâts dans les vignobles. Aucun moyen de lutte chimique n’est actuellement disponible depuis l’interdiction successive en 2001 des deux fongicides (arsenite de sodium et Carbendazime) utilisés  jusqu’alors. Aujourd’hui, une recrudescence des MBV est observée causant un problème auquel les viticulteurs doivent faire face pour optimiser la qualité et la pérennité de leur vignoble (Dossier Phytoma N° 609-2007). D’après « l’Observatoire National des Maladies du Bois », à partir d’une étude réalisée sur 753 parcelles réparties dans 18 vignobles et comprenant 28 cépages différents,  le taux des MBV a progressé de 1,6 % en 2003 à 4,79 % en 2007. En ce qui concerne l’Eutypiose, la synthèse nationale de l’observatoire indique que, lorsque tous les cépages  sont considérés, 55 % des parcelles présentent au moins un cep avec des symptômes de cette maladie (moyenne sur la période 2003-2007). Une autre étude, réalisée par Larignon et son équipe en 2009, montre une augmentation de l’expression des symptômes du BDA entre 2003 et 2008 sur une parcelle de sauvignon située dans les Costières de Nîmes. En effet, l’expression s’est accentuée allant de 5 % en 2003 jusqu’à 19 % en 2008 (Larignon, 2009).

 

            Pour tenter d’apporter une solution aux viticulteurs, Agrauxine développe un produit alternatif, répondant à une nouvelle problématique environnementale. Le principe actif de ce produit Esquive WP, innovant, naturel et préventif, est un champignon : le Trichoderma atroviride souche I-1237. Son homologation, contre l’Eutypiose, a été possible grâce à l’utilisation d’une méthode CEB spécifique, n°155. L’Esquive WP est appliqué lors de la taille et permet une protection des plaies de taille via son effet antagoniste contre l’Eutypa lata, agent fongique responsable de l’Eutypiose. Son application permet donc de réduire le développement de ce pathogène dans le bois du cep car il freine et/ou empêche la pénétration de celui-ci dans le cep. Outre son effet avéré contre l’Eutypiose, les essais d’efficacité post-AMM mis en place en 2010, mais aussi ceux déployés dès 2007 sur le vignoble français, nous ont apporté des résultats prometteurs face à d’autres maladies du bois de la vigne que sont l’Esca et le BDA. Les données ainsi obtenues ont été quantifiées par une visualisation des symptômes foliaires de ces maladies.

 

Objectif de l’étude

            L’étude se situe en aval de l’homologation d’Esquive WP contre l’Eutypiose. Elle a consisté en l’analyse des effets de ce produit sur les maladies du bois de la vigne en fonction de différents critères : âge de la vigne et cépage.

 

MATERIEL ET METHODES

Matériel végétal

            Les différentes études ont été réalisées sur 14 parcelles viticoles et ont fait appel à l’utilisation de différents cépages (tableau I).

            Les vignobles ont été choisis à partir de critères éco-physiologiques différents, dans le but de prendre des parcelles favorables à l’apparition des MBV. Le premier critère éco-physiologique a été l’état sanitaire de la parcelle à l’année n-1. Le taux de ceps exprimant les symptômes foliaires de l’Esca/BDA devant être identique entre les deux parcelles (témoin et traitée) et ne devant pas dépasser un taux d’expression d’Esca/BDA d’environ 5 %. Ce pourcentage correspondant au taux moyen des MBV observées dans le vignoble français (Dossier Phytoma N° 609-2007).

            Le type de sol a également été un autre critère de choix pour les parcelles expérimentales. En effet, un sol à faible résistivité, argileux, boulbène par exemple, favorise les symptômes des MBV (Goutouly, 2010). C’est ce qu’on appelle des parcelles à forte réserve utile. Celles-ci ont souvent une alimentation en eau non limitante et un taux d’azote élevé. Ce sol spécifique entraîne, dans les tissus végétaux, un rapport carbone / azote (C/N) faible. Selon Goutouly (2010), ce C/N oriente le métabolisme de la plante, et dans ce cas, il favorise le métabolisme de croissance au détriment du métabolisme secondaire, à l’origine entre autre de la production de composés phénoliques. Ces derniers étant notamment connus pour leur rôle dans les mécanismes de défense que la vigne mettrait en place pour limiter la progression des pathogènes dans le bois.

            Enfin, lors des essais, les cépages étudiés sont tous décrits dans la littérature comme étant sensibles aux MBV. Dans le but, d’avoir un panel d’âge varié et d’observer l’efficacité d’Esquive WP en fonction de ce paramètre, les différentes parcelles étudiées ont entre une dizaine à une vingtaine d’années.

 

Tableau I : Répartition des cépages étudiés en fonction des régions viticoles

 

Région viticole

Cépage

Armagnac

Colombard

Beaujolais

Gamay

Bordeaux

Cabernet Franc, Cabernet sauvignon

Bourgogne

Chardonnay

Vallée de la Loire

Chenin, Melon de Bourgogne

Vallée du Rhône

Mourvèdre

Sud-ouest

Cabernet sauvignon

 

Traitement

            Le traitement des parcelles a été réalisé avec un pulvérisateur à dos. La dose d’Esquive WP utilisée est de 4 Kg par hectare. Le produit Esquive WP est pulvérisé sur toute la surface du cep en insistant sur les plaies de taille.

            Par ailleurs, la parcelle témoin n’a reçu aucun traitement.

 

Comptage des maladies

            L’Esca et le Black Dead Arm (BDA)

            Le syndrome de l’Esca implique un complexe fongique : Fomitiporia punctata, Stereum hirsutum, Phaeoacremonium aleophilum, Phaeomoniella chlamydospora, Eutypa lata et Botryospheria sp. Il existe deux formes de la maladie, une forme lente et une forme apoplectique. La forme lente se manifeste par l’apparition de symptômes foliaires sur une partie ou sur l’ensemble du pied. Il s‘agit de taches jaunâtres pour les cépages blancs ou rougeâtres pour les cépages rouges, qui vont former des digitations entre les nervures. La forme apoplectique ou foudroyante se manifeste en quelques jours voire en quelques heures et aboutit à un dessèchement rapide et complet des sarments et des grappes du pied malade.

            La maladie du Black Dead Arm (BDA) implique des champignons appartenant au genre Botryospheria. Au niveau foliaire, des digitations rouges qui apparaissent entre les nervures se transforment en zones de nécrose à un stade plus avancé de la maladie.

 

            Observation

            L’observation des symptômes foliaires de l’Esca/BDA a été réalisée en août/septembre. Elle est effectuée visuellement selon les caractéristiques des maladies décrites ci-dessus. Dans chaque domaine, 4 répétitions de 100 ceps ont été comptés, soit 400 ceps par modalité, ces ceps sont classés « sain » ou « malade » quand ils présentent les symptômes foliaires de l’Esca/BDA.  


RESULTATS 

L’Esca/BDA : Des maladies en recrudescence

 

Un bilan de l’évolution des maladies Esca/BDA sur le vignoble français a été réalisé dans cette première étude (Figure 1).

 

Figure 1 : Suivi de l’évolution de l’expression des symptômes d’Esca/BDA entre  2009 et 2010 dans le vignoble français en fonction de l’application d’Esquive WP ou non. Chaque année, un total de 1600 ceps a été compté par modalité, répartis sur 4 vignobles (Bourgogne, Bordeaux, Vallée de la Loire et Vallée du Rhône) avec 4 cépages distincts (respectivement, Chardonnay, Cabernet sauvignon, Chenin et Mourvèdre). La différence d’évolution des symptômes entre les modalités Témoin et ESQUIVE WP est statistiquement significative : ** p< 0.01 ; ns : non significatif. (T-test).

 

 

 

            Un état des lieux des parcelles, en 2009, avait été réalisé, afin de s’assurer que les parcelles témoins et traités soient bien homogènes en terme d’expression de symptômes foliaires (Figure 1). La parcelle témoin décrit une estimation de la recrudescence de l’Esca/BDA dans le vignoble français. En effet, l’expression des symptômes foliaires a augmentée  de 6 % en 2009 à 16 % en 2010 (Figure 1).

            Par ailleurs, cette augmentation a été fortement limitée en présence du traitement Esquive WP. Les pourcentages des ceps représentant les symptômes foliaires de l’Esca/BDA se situent autour de 6 % en 2009 ou en 2010.

            L’application d’Esquive WP a permis de limiter le nombre de ceps exprimant les symptômes par comparaison à la modalité témoin, et ce dans les 4 domaines suivis.

 

            Un exemple d’essai pluriannuel dans le Bordelais

 

            Cette étude a été réalisée sur une vigne de Cabernet Franc, cépage sensible aux MBV. Cette parcelle, de sol argilo-calcaire située dans le Bordelais a été plantée en 1990.

            Les observations ont été effectuées sur 16 rangs de 50 ceps, soit 800 ceps comptés, pendant 4 années consécutives de 2007 à 2010. Par ailleurs, l’expérimentation a débuté en 2006. A cette date, aucun traitement n’a été réalisé mais un diagnostic parcellaire a été effectué (Figure 2).

 

            La première année d’application d’Esquive WP (2007), sur cet essai, n’a donné aucun résultat significatif. A partir de la deuxième année d’application, la capacité d’Esquive WP à réduire le pourcentage de ceps exprimant les symptômes des maladies du bois a pu être mise en évidence que ce soit dans des situations favorables d’expression des symptômes (2010) ou défavorables (2008 et 2009). En effet, en 2010, après 4 années successives d’utilisation de l’Esquive WP, le pourcentage de ceps présentant les symptômes foliaires de l’Esca/BDA est de 15 % dans la modalité  Témoin et de  2,5 % dans la modalité Esquive WP, révélant  une baisse de l’expression des symptômes de l’ordre de 80 % (Figure 2).

 

Figure 2 : Evolution de l’expression des symptômes Esca/BDA entre 2006 et 2010 sur une vigne de Cabernet franc située dans le Bordelais. La parcelle de l’essai est divisée en 2, une partie est traitée avec Esquive WP et une autre n’est pas  traitée, le témoin. Un total de 800 ceps a été compté par modalité. L’application répétée d’Esquive WP permet de réduire significativement l’expression des symptômes d’Esca/BDA  : * p < 0.05 ; ** p < 0.01 ; *** p < 0.001 ; ns : non significatif ;T-test.

 

 

            Suivi de l’évolution de l’expression des symptômes d’Esca/BDA, en fonction des cépages après application d’Esquive WP

 

            Une troisième étude a eu pour but de comparer en 2010 l’effet de l’Esquive WP sur l’expression des symptômes de l’Esca/BDA en fonction du type de cépages (Figure 3). Les comptages ont été effectués sur 4 placettes de 100 ceps par modalité, soit 400 ceps au total.

 

 

Figure 3 : Observation des symptômes visuels de l’Esca/BDA effectuée sur 4 cépages différents (Chardonnay, Cabernet, Gamay et Mourvèdre) au cours d’essais réalisés dans 4 domaines distincts (1 cépage/domaine). Sur chaque domaine, un total de 400 ceps a été compté par modalité. L’application d’Esquive WP permet de réduire significativement l’expression des symptômes d’Esca/BDA : * p < 0.05 ; ** p < 0.01 ; *** p < 0.001 ; ns : non significatif ;T-test.

 

 

            Dans l’étude, seul le Chardonnay se maintient au niveau de la moyenne nationale d’infestation des MBV, c'est-à-dire autour de 5 %. Pour les autres cépages, Cabernet, Gamay et Mourvèdre des taux d’expression sont de l’ordre de 10 %. Dans ces conditions d’expérimentation, Esquive WP a permis de limiter la présence de symptômes foliaires de l’Esca/BDA d’au moins 50 % sur tous les cépages.

 

 

            Suivi de l’évolution de l’expression des symptômes d’Esca/BDA, en fonction de l’âge de la vigne, après l’application d’EsquiveWP

 

            Cette expérimentation a été réalisée sur un cépage Cabernet, sur différents domaines des régions Bordelaise et Sud-ouest. Elle a pour objectif de comparer, sur l’année 2010, les différences d’expression d’Esca/BDA en fonction de l’âge du vignoble (Figure 4). Les comptages ont été effectués sur 4 placettes de 100 ceps par modalité, soit 400 ceps au total.

 

Figure 4 : Suivi  de l’expression des symptômes visuels de l’Esca/BDA en fonction de l’âge de la vigne. La parcelle de l’essai est divisée en 2, une partie traitée avec Esquive WP et une autre non traitée, le témoin. L’observation est effectuée sur 4 vignobles d’âges différents et de même cépage (Cabernet). Un total de 400 ceps a été suivi et observé par modalité. L’application d’Esquive WP permet de réduire significativement l’expression des symptômes d’Esca/BDA  : * p < 0.05 ; ** p < 0.01 ; *** p < 0.001 ; ns : non significatif ;T-test.

 

 

            Cet essai montre que déjà, à 9 ans, certains vignobles peuvent présenter un très fort taux de symptômes foliaires de l’Esca/BDA de l’ordre de 8 %. L’augmentation de ce pourcentage est corrélée avec l’âge de la vigne. En effet, plus la vigne est âgée plus le taux d’expression des symptômes est élevée.

            Néanmoins, après une année d’utilisation, l’efficacité d’Esquive WP est proche de 50-60 % sur des vignobles âgés de 9 et 14 ans au bout de la première année de traitement. La meilleure efficacité du traitement est observée sur un vignoble âgé de 20 ans, elle atteint 80 %.

            Par ailleurs, dans nos conditions d’essais, l’Esquive WP n’a pu réduire que de 10 points par rapport à la modalité témoin, le pourcentage de ceps exprimant les symptômes foliaires sur une vigne âgée de 25 ans au moment de la première application d’Esquive WP. Dans des conditions environnementales et climatiques favorables à l’expression des symptômes des maladies du bois, l’hypothèse est faite qu’un seul traitement d’Esquive WP sur une vigne âgée, n’est pas suffisant pour espérer obtenir une réduction acceptable de l’expression des symptômes. Une seule application d’Esquive WP n’a pas pu rétablir l’équilibre entre le T. atroviride et les champignons pathogènes de l’Esca/BDA dans les ceps de vigne. La mise en œuvre d’une nouvelle année d’essai et de suivi sur ces mêmes parcelles permettra de conforter notre hypothèse sur la nécessité d’un traitement pluriannuel d’Esquive WP des parcelles pour optimiser son efficacité.

 

DISCUSSION

            L'extériorisation des symptômes de l’Esca/BDA a progressé au cours des dernières années et plus particulièrement ces 3 dernières années. La cause est vraisemblablement corrélée au retrait d’une solution éradiquante, en novembre 2001, qui endiguait à elle seule les maladies fongiques et bactériennes : l’arsenite de soude. Cette solution utilisée annuellement dans 15 à 20 % du vignoble français était utilisée pour contenir l’Esca/BDA (Speich, 2001). Il faut cependant noter que certains auteurs ne confirment pas l’efficacité de ce produit, en particulier son action pour réduire la mortalité des ceps (Fussler et al, 2009).  Selon l'observatoire sur les maladies du bois, mis en place en 2003 suite à l'interdiction de cette substance, plus de 10% des ceps sont considérés comme étant improductifs, soit parce qu'ils présentent de forts symptômes, soient parce qu'ils sont détruits, soit parce qu'ils ont dû être complantés (Grosman, 2008). Notre étude va dans le sens de l’observatoire, en effet en 2010 sur nos parcelles essais, le pourcentage de ceps présentant les symptômes foliaires de l’Esca/BDA oscille entre 10 et 20 % (Figure 1).

            L’Esca/BDA sont des maladies très complexes. Une fluctuation interannuelle des symptômes est observée, ce qui entraîne des disparités au niveau des parcelles. Les principaux facteurs pouvant influencer leur fréquence ou leur  sévérité sont soit d’origine biotique soit abiotique. Parmi les stress abiotiques, les facteurs les plus connus sont le cépage et l’âge de la vigne. Notre étude réalisée sur différents cépages va dans ce sens (Figure 3). En effet, une disparité du taux d’expression de l’Esca/BDA est observée en fonction du cépage de la vigne. Le Chardonnay restant à des niveaux d’expression similaire à ceux observés en 2009. Par contre, de très forts pourcentages de ceps présentant les symptômes foliaires sont constatés sur des vignes de Cabernet, Gamay et de Mourvèdre, allant jusqu’à 11 % (Figure 3). Cette étude nous a permis de cibler un cépage sensible pour l’essai dont le but était d’observer l’influence de l’âge de la vigne dans le développement de l’Esca/BDA (Figure 4). Il en ressort que les jeunes vignes (9 ans) sont beaucoup moins atteintes que les vignes plus âgées (20-25 ans) (Figure 4).

            Récemment, au cours d’un programme de recherche sur les MBV, les scientifiques des MBV de l’UMR Santé Végétale de Bordeaux ont mis en évidence à partir de bois jeunes (9 ans) n’exprimant peu ou pas les symptômes d’Esca/BDA, et à partir d’approches de métagénomique, que ces derniers étaient colonisés par une microflore fongique abondante et diversifiée, constituée de nombreux champignons non-pathogènes dont notamment le Trichoderma atroviride, particulièrement présent. Il faut également noter que ces bois sains sont colonisés par des agents fongiques potentiellement pathogènes pour le cep comme les Botryosphaeria (Rey et al, 2010). Il existe donc une réelle compétition au sein du bois de ces jeunes ceps, entre des champignons favorables (protecteurs) et d’autres défavorables (pathogènes). Au cours du même programme, l’étude de ceps plus âgés (15-25 ans), présentant des nécroses au niveau du bois, à mis en évidence que ces zones endommagées étaient préférentiellement colonisés par des champignons pathogènes comme Phaeomoniella chlamydospora et Botryosphaeria (Rey et al, 2010). Cette étude montre donc qu’il existe certainement un équilibre entre les différentes flores microbiologiques du bois, et que très tôt les ceps sont colonisés par une microflore potentiellement défavorable. L’hypothèse peut être faite que chez les vignes plus âgées cet équilibre entre flores fongiques favorables (protecteurs) et défavorables (pathogènes) serait bouleversé au détriment des micro-organismes protecteurs, dont notamment les agents fongiques du genre Trichoderma. De ce fait, l’expression des symptômes des MBV, Esca/BDA et eutypiose, serait favorisée.

            Parmi les stress abiotiques qui augmentent le taux d’expression de ces maladies, le climat est un des plus cité, tout comme le type de sol. En effet, une étude réalisée par Goutouly et son équipe en 2010, explique que le rapport C/N à une grande influence sur l’élaboration des défenses que la vigne met en place pour limiter la progression des champignons dans le bois (Goutouly, 2010). Selon le schéma, détaillé dans le paragraphe « matériel et méthode/matériel végétal », les années aux conditions climatiques favorables à la croissance (2010) conduiraient à une baisse des capacités de résistances de la vigne aux maladies de dépérissement de type Esca/BDA. Inversement, les années défavorables à la croissance (2005) favoriseraient la résistance et entraîneraient une baisse de l’expression foliaire des symptômes (Goutouly, 2010).

            Ces différentes études exposent la complexité de ces maladies de dépérissement dû à l’intervention de divers facteurs biotiques et abiotiques. De plus, ce fort taux de contamination des vignes suppose de complanter de plus en plus et de ce fait entraîne un rajeunissement du vignoble préjudiciable à la qualité. Les maladies de dépérissement de la vigne que sont l’Esca/BDA, mettent donc en péril la pérennité du vignoble français. Elles sont  préoccupantes d'autant plus que les professionnels de la viticulture ne disposent d'aucun moyen de lutte curative contre ces maladies complexes. En effet, les champignons se trouvant protégés à l'intérieur du bois, il y a aujourd’hui peu d'espoir de trouver des molécules fongiques systémiques efficaces capables d’éradiquer totalement la flore pathogène présente. Il n'est donc pas aujourd’hui envisageable de trouver une solution unique telle que pouvait l'être l'arsénite de soude. La clé de la réussite se trouve aujourd’hui dans la mise en œuvre de mesures prophylactiques.

            Les principales mesures prophylactiques mises en place,  afin de limiter la formation trop rapide d’un important volume de nécroses ou d’une activité parasitaire trop précoce dès le stade de la pépinière sont les suivantes : I) Limiter au maximum les sources d’inocula des pathogènes dans les parcelles (éliminer les souches atteintes d’apoplexie ou de nécroses, les souches mortes, élimination des bras présentant les symptômes des MBV en les brulant de préférence), II) Avoir une meilleure approche de la taille (limiter le nombre et les dimensions des plaies de taille et éviter les tailles trop rases), III) Adapter la fertilisation pour maîtriser la vigueur de la parcelle, IV) Remplacer les ceps malades (Herlemont et al, 2005).

            Pour renforcer, l’efficacité de ces mesures prophylactiques, à effet limité aujourd’hui, la perspective de pouvoir utiliser Esquive WP contre l’Esca/BDA lorsqu’il sera homologué présente un réel espoir de pouvoir maîtriser efficacement ces maladies du bois. En effet le travail initié et présenté ici,  met en évidence la capacité d’Esquive WP appliqué sur des plaies de taille à réduire significativement le pourcentage de ceps exprimant les symptômes foliaires.

            Dans cette étude, Esquive WP est utilisé en application préventive. Son rôle est alors de préserver ou rétablir l’équilibre entre les champignons favorables (dits « protecteurs ») et les agents pathogènes, en évitant et/ou limitant l’introduction des champignons responsables de l’Esca/BDA. Son effet, serait donc cumulatif au fur et à mesure des années de traitement et ainsi réduirait significativement les risques de développement de ces maladies de dépérissement. L’essai pluriannuel initié en 2006 montre qu’au bout de 4 années de traitement, dans nos conditions d’essais, les symptômes sont réduits de 80 % (Figure 2). Par ailleurs, si l’équilibre entre les champignons protecteurs et pathogènes est modifié et que la flore pathogène fongique a pris le dessus, comme dans certaines vignes âgées, Esquive WP n’aura qu’une faible efficacité (Figure 4), au moins les deux premières années. En effet, chez une vigne âgée de 25 ans, Esquive WP  ne réduit que de 12 % l’apparition des symptômes.

            Néanmoins, le facteur clé du bon fonctionnement d’Esquive WP se situe dans le délai entre la taille et l’application du produit. Dés 2011, dans la continuité des études présentées ici, des essais vont être renouvelés afin de définir avec précision l’impact du délai de traitement sur l’efficacité de l’Esquive WP dans la maîtrise de l’expression des symptômes des maladies du bois telles que l’Esca et le  BDA. Aujourd’hui, les résultats d’efficacité obtenus contre l’Eutypiose montrent une efficacité optimale lorsqu’un délai inférieur à 7 jours est respecté. Passé ce délai, les risques de chute de l’efficacité sont augmentés.

 

CONCLUSION

La recherche sur les maladies du bois durant ces dix dernières années s’est attachée à identifier les champignons (pathogènes) responsables, dans le but notamment de développer des produits de traitement efficaces tels que des fongicides conventionnels. Aujourd’hui, ce moyen de lutte se trouve particulièrement limité puisque les agents pathogènes fongiques sont divers et que ces derniers  sont aujourd’hui présents dans une très grande majorité des ceps cultivés et qu’ils font finalement partie de l’écologie du bois de vigne (Lecomte et al, 2008). Difficile alors d’envisager une stratégie d’éradication des champignons, ce qui signifierait un traitement systématique et préjudiciable à l’équilibre biologique du cep.

            Pour solutionner le problème, il est nécessaire d’étudier les différents facteurs biotiques et abiotiques qui induisent ces maladies, car, comme de nombreux moyens alternatifs, l’Esquive WP n’est pas l’unique solution qui permettra d’éradiquer totalement les MBV. Associé aux mesures prophylactiques, lorsqu’il sera homologué, l’application d’Esquive WP devrait permettre de réduire significativement les ceps présentant les symptômes foliaires de ces maladies de dépérissements. Au vu de la complexité de l’Esca et du BDA, et de leurs conditions d’expression, il est aujourd’hui impératif de reconduire des essais complémentaires à ceux présentés ici dans le but de bien définir les conditions optimales d’application d’Esquive WP. Cette solution, associée aux mesures prophylactiques, pourrait ainsi à l’avenir réduire, voire stopper, l’expression des symptômes de l’Esa/BDA.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

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